Il y a peu d’endroits où l’on puisse être vraiment tranquille à la Crypte. Il y a toujours du monde partout, des élèves qui se croient plus malin que les générations qui les ont précédé, qui pensent être les premiers à fumer aux toilettes, ou à s’embrasser dans les placards à balais. Naïfs… je suis là depuis assez longtemps pour savoir que c’est ridicule de croire pouvoir échapper au système de surveillance. Même si on n’en voit nulle part, je suis certaine qu’il y a des caméras cachées dans les couloirs et les salles. Il y a quelques mois quand j’ai eu fini ma cinquième année et que j’ai été acceptée comme chef d’équipe, la première chose que j’ai faite à été de vérifier que notre salon privé ne contenait pas de caméras. Je n’en ai pas trouvé une seule mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas.

Le salon des équipes opérationnelles est réservé, comme son nom l’indique si bien, aux équipes opérationnelles. Même les stagiaires de troisième, quatrième et cinquième années n’ont pas le droit d’y rester plus de quelques minutes, pour venir chercher quelqu’un par exemple. C’est donc sans aucun doute le coin le plus tranquille de la résidence principale et j’aime y passer des après-midi entiers avec de la musique et un bon livre. Je préparais la mission en Russie, en ce moment, alors j’avais emprunté pas mal de bouquins à la bibliothèque de la Crypte.

Petite, je parlais russe plutôt bien, c’était mon pays d’origine, mais des années aux Etats-Unis m’avaient fait perdre la plupart de mes conjugaisons. J’avais encore beaucoup de vocabulaire, mais peu de souvenirs de la structure des phrases et de l’alphabet, j’avais donc emprunté un roman écrit en russe. Et comme je ne parvenais pas à me concentrer lorsqu’il régnait autour de moi le silence, j’avais placé sur mes oreilles mon casque de musique. J’écoutais rarement du classique, sauf quand je lisais. Je mis le volume presque à fond et m’installais dans un des énormes fauteuils.

Le salon des équipes était composé de deux parties, séparées par un paravent en bambou. D’un côté il y avait un canapé trois places et des fauteuils, qui entouraient une table basse sur laquelle étaient présenté divers magasines pas très intéressants. De l’autre côté du paravent, il y avait un autre canapé, d’autres fauteuils, et un poste de télé qui captait une trentaine de chaîne. Un privilège réservé aux membres des équipes opérationnelles, car sinon il n’y avait pas de télévisions pour les élèves dans la résidence. On pouvait aller la regarder dans le Pavillon Chrysalide, en revanche, ainsi que dans celui de La Lune.

Je savourais chaque note de musique et chaque mot depuis près d’une heure déjà, lorsque soudain, en relevant les yeux, je vis une tête inconnue. Un garçon un peu plus jeune que moi, plutôt mignon, me faisait de grands signes pour capter mon attention. Je retirais mon casque et éteignis ensuite la musique, il m’adressa un sourire et un « bonjour ». Je ne l’avais jamais vu, il ne devait pas être là depuis longtemps. En tous cas, j’avais la certitude qu’il n’avait pas sa place ici. Comme il venait de me déranger, je n’avais aucune envie de me montrer sympa avec lui et ne le saluait donc pas.

Tu t’es perdu ? Cette pièce est réservée aux équipes opérationnelles. Tu n’as pas vu le panneau « Salon privé » sur la porte ? demandais-je, froidement

J’ajoutais, un peu moins durement parce qu’il était quand même vraiment beau gosse :

T’es nouveau ici ?